La vallée close
mon cher Akram
la très sainte alliance
du spectacle et de la marchandise
enfin réalisée pourquoi ciné
poème quand le cinéma
français crève sous les fausses
légendes et le poème
il a beaucoup de mal à
accompagner l’époque
actuelle muet noir et blanc
nous avons fait tagine poisson
à tanger un ciné poème sans
nous occuper des couleurs seulement
peut-être étincelles de non
lumière dans la lumière tout
signe peut conduire à un autre
désir de voir et de savoir
logique du fantasme un passé
métamorphosé en présent
quand business is business
faits ou documents le poétique
impliquant réflexion critique
et humour désirs aussi dans
les corps celui là en djellaba
tout de l’espèce humaine
corps comme chair pas comme
forme stock des larmes comme
des rires un entre-deux interstice
ou intervalle puisque pasolini
le dit la seule poésie est la poésie
à faire la poésie est dans le fait
de faire la poésie mais avant
tu dois sortir le poème de
la poésie arracher une dent
qui fait mal soulage
ciné poème dans la prédominance
du marché c'est-à-dire résistance
au marché (c'est-à-dire au public)
biens culturels à l’usage
des masses traduisez par abattage
et soumission pas image
de la réalité peut-être réalité
de l’image nos cartons vus
comme arrêts sur image
extériorité réflexive entre
figure et lieu comme réponse
à l’absence de chiens par
le choix d’un titre les arabes
aiment les chats moments
dispersés rendez-vous manqués
entre deux de l’intervalle
traces passées consécutives
d’un présent interstice
de la fiction et du document
à supposer mon cher akram
que ce que nous avons fait
ce presqu’été là à tanger
soit un ciné poème
il nous faut ici saluer
dans la lignée colliers de griffes
des charles cros ou germaine dulac
un toujours vivant jean-claude
rousseau fils de lucrèce et cousin
de pétrarque dont « la vallée close »
s’inscrit dans le genre ici désigné
en soleil des soleils pétrarque oui
un livre de géographie un tableau
de giorgione une photo érotique
la fontaine de vaucluse une usine
abandonnée double sextine
caractère vaginal de la tempête
vallée fermée sans scénario
six ôté de un tous les éléments
gravitent sur une même orbite
une rencontre un abîme trou
de l’eau un amour une histoire
de l’amour toujours ce risque
de cambriolage une leçon
pur désir des atomes la prise
s’interrompt un noir puis endurer
endurer une passion c’est faire
un film retirer le linge brûlant
la vallée close ce personnage
de dos regardant les étoiles
une pierre posée sur un livre
quand la beauté se voit
on ne voit rien l’air et la lumière
j’ai appelé un peu plus tôt mais
tu n’étais pas chez toi le garçon
traverse la chambre sa voix
dans le téléphone où habitez-vous
il habite l’image une salle
de bain et le lit ouvert
c’est son seul bagage
lancés à travers le vide
il dit j’ai encore beaucoup
de choses à essayer avec le son
entre prose et poésie image
et réflexion lyrisme et document
il est celui qui raconte le garçon
traverse la chambre giorgione
d’abord pris pour titien si l’intrigue
comme les chemins mènent à
la falaise on avance vers la grotte
son image saisissante cette absence
habitacle souffle indistinct
épigrammes les images voyantes
ce sont elles qui nous regardent une
parfaite mobilité si intrinsèquement
posthume qu’on ne peut que répéter
si un jour exista un seul ciné poème
ce sera mon cher akram celui-là
lancé à travers le vide la vallée close
Septembre 2009